Dans cet article, le cabinet AURELE IT vous livre les éléments clés d’une stratégie de négociation qui a fait ses preuves, pour préserver vos intérêts dans vos contrats IT avec des grand comptes, quand vous n’êtes pas en position de force.
Le contexte
Dans vos négociations courantes, c’est vous qui menez les termes de la négociation contractuelle sur la base de conditions générales adaptées aux spécificités de votre offre de services.
Mais la négociation des contrats IT intervient très souvent dans un contexte de rapport de forces déséquilibré. On vous impose des conditions générales et vous n’êtes pas en mesure d’imposer les vôtres.
Deux cas de figure :
- Vous êtes ESN ou éditeur de logiciels et devez négocier un contrat avec votre acheteur IT sur la base de ses conditions générales d’achat.
- Vous êtes utilisateur d’un contrat SAAS (software as a service),d’un ERP ou d’une solution Cloud et vous devez négocier ce contrat de fourniture de service.
Face à un cocontractant plus puissant que vous, vous ne pourrez pas tout négocier mais vous avez des marges de manœuvre pour certaines clauses stratégiques, telles que le choix du droit applicable ou l’encadrement de la responsabilité.
La stratégie gagnante consiste à identifier rapidement dans la proposition transmise par votre cocontractant, les éléments les plus impactants pour axer votre stratégie de négociation sur ces clauses.
Ce n’est pas toujours évident compte tenu du volume des documents contractuels et des renvois multiples vers d’autres dispositions également applicables, potentiellement accessibles uniquement en ligne et dès lors, soumises à modification unilatérale.
Les clauses stratégiques sont les suivantes :
- le choix du droit applicable
- la rédaction du préambule
- l’encadrement de la responsabilité
- la propriété intellectuelle
Le choix du droit applicable
Le droit applicable constitue le premier élément à identifier dans le projet de contrat qui vous est soumis, afin de déterminer quelle sera la loi applicable et la juridiction compétente en cas de différend dans l’interprétation du contrat.
En ce sens, c’est une clé de voûte du contrat.
Les projets IT intègrent souvent une dimension internationale. Un grand nombre d’éditeurs du marché sont ainsi américains et soumettent leurs conditions au droit californien où ils sont implantés.
L’enjeu du droit applicable
En théorie, les parties sont libres de choisir le droit qui régira leurs relations contractuelles et celui-ci s’appliquera sous réserve de respecter les lois de police et les règles d’ordre public du pays dans lequel les prestations IT sont réalisées.
Pour donner un exemple de disposition d’ordre public, tous les grands comptes, même étrangers, sont soumis en France aux délais de paiement prévus par la Loi de Modernisation de l’Économie.
Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. (…) » Art L441- Code de Commerce.
Pour le reste, tout ce qui ne figure pas expressément au contrat sera régi par le droit applicable, qui supplée le silence du contrat.
Voici un exemple de clause figurant dans les conditions générales d’un outil SaaS d’un éditeur américain, prévoyant l’application de la loi californienne :
Le présent Contrat et tout litige en découlant seront régis par les lois de l’État de Californie, sans tenir compte de ses dispositions en matière de conflit de lois, et seront soumis à la compétence des tribunaux (…) situés à San Francisco, en Californie.
Que faire face à une telle clause qui prévoit que le droit de l’Etat de Californie s’applique au contrat ?
Votre intérêt est de négocier l’application du droit français : au sein du cabinet Aurele IT, nous avons constaté que, dès lors que l’enjeu financier le justifie, certains éditeurs étrangers l’acceptent.
Pourquoi c’est stratégique ?
Les contrats d’adhésion
Le principal avantage du droit français réside pour vous dans la possibilité de bénéficier des dispositions sur les contrats d’adhésion : il s’agit d’un contrat qui comprend un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties.
La réforme des obligations intervenue en 2016 a étendu aux relations entre professionnels (B to B) la notion de “déséquilibre significatif” entre les droits et les obligations des parties :
« Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. (…) » art n°1171 du code civil
en savoir plus : Contrats d’adhésion et Déséquilibre significatif
Saisi par la partie victime d’une clause ainsi déséquilibrée, le juge pourra la déclarer “ non écrite” dans un contrat toute clause qu’il considère « léonine ».
Les conditions qui doivent être réunies sont :
- l’existence d’un contrat d’adhésion ou d’un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ;
- le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties représenté par cette clause.
Il est à noter toutefois que l’appréciation de ce déséquilibre ne peut concerner ni l’objet principal du contrat ni l’adéquation du prix à la prestation.
Le montant des dommages et intérêts
En cas de mise en cause de votre responsabilité contractuelle dans le cadre de l’exécution du contrat, le droit français vous sera également plus favorable que le droit américain.
Le choix du droit applicable revêt en effet une importance au regard du montant des réparations alloué par les juges français par comparaison aux juges américains.
Aux États-Unis, les tribunaux peuvent accorder des dommages-intérêts punitifs, qui peuvent être substantiels, dépassant largement la simple compensation du préjudice subi.
L’application du droit français conduit en revanche à l’allocation de dommages-intérêts compensatoires, strictement destinés à réparer le préjudice effectivement subi par la victime..
Ainsi dans l’affaire qui a opposé Oracle à SAP, un jury américain a par exemple accordé 1,3 milliard de dollars à Oracle pour violation de droits d’auteur.
De même un jury fédéral a accordé plus de 79 millions de dollars au groupe SAS Institute Inc dans le litige qui l’opposait à World Programming Ltd pour des pratiques commerciales déloyales et pour violation de contrat.
Le cabinet Aurele IT peut vous aider à rééquilibrer le rapport de forces en déployant une argumentation pertinente pour la sauvegarde de vos intérêts dans une telle négociation.
La rédaction du Préambule
Le préambule joue un rôle fondamental, même s’il peut s’avérer difficile à négocier face à un grand compte, dont les conditions générales de vente ou d’achat prévoient le plus souvent des engagements de principe contraignants pour le cocontractant.
Pourquoi c’est stratégique ?
Le préambule rappelle le contexte et l’historique des relations entre les parties, ainsi que les étapes ayant conduit à la conclusion du contrat (échanges préalables, proposition commerciale, cahier des charges, ou encore négociations). Cet aspect est structurant car en cas de différend soumis au juge, celui-ci pourra s’appuyer sur ces éléments pour interpréter la portée des obligations de chacun.
Le préambule est aussi l’occasion de rappeler les objectifs poursuivis par le client qui recourt aux services ou à la solution du fournisseur et dans le même temps, de délimiter clairement le périmètre et la portée des engagements du fournisseur.
Il peut également inclure des déclarations des parties sur leur niveau d’expertise et d’engagement.
Toute information portant sur le niveau de compétence du client peut impacter l’appréciation du juge quant aux éventuels manquements du fournisseur à son obligation de conseil.
A l’inverse, toute précision sur le domaine de spécialisation de l’éditeur et sur ses déclarations en termes de capacité, d’engagement, de connaissance, joue en faveur du client.
Exemple de clause
Le Prestataire a déclaré avoir développé une compétence, un savoir-faire et une expérience particulière pour les prestations décrites au présent Contrat et, plus particulièrement, avoir conscience des enjeux stratégiques du programme tels que décrits ci-dessus.
Ce que le prestataire peut proposer :
Le Prestataire, en qualité de professionnel de l’informatique, s’engage à mettre en œuvre tous les moyens humains, techniques et organisationnels raisonnables pour réaliser les prestations décrites, Toutefois, l’atteinte des objectifs définis reste conditionnée à la collaboration active du client et à la fourniture des informations nécessaires par ce dernier.
Nous aurons prochainement l’occasion de poursuivre ce dossier avec les deux autres clauses stratégiques négociables : l’encadrement de la responsabilité et les enjeux de protection de la propriété intellectuelle.
Maître Florence Ivanier, Avocate au barreau de Paris
Fondatrice du Cabinet Aurele IT, DPO externalisée
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